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De quoi la blockchain est-elle la révolution ?

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Un curieux vent semble souffler depuis quelques mois, agitant le milieu de la finance, les acteurs de l’innovation et plus globalement les dénicheurs de nouvelles tendances. La blockchain, technologie de gestion de nouveaux modèles d’organisations décentralisées, constituerait le prochain eldorado de la civilisation numérique et connectée. Ce livre de compte géant et distribué, qui comporte des données de transactions qui les rend traçables, semble attiser autant les peurs que les espoirs les plus fous. L’occasion de regarder d’un peu plus près ce sujet brûlant qui, à l’exception notable de la cryptomonnaie Bitcoin, s’appuie finalement encore sur très peu d’exemples applicatifs.

De la même manière qu’Internet a révolutionné la communication, la blockchain pourrait ainsi transformer la façon de gérer les transactions, les contrats, et, plus généralement, le concept de confiance qui constitue un élément central de l’économie numérique du XXIe siècle.

La promesse disruptive qui semble peser par exemple sur le milieu bancaire, ou des professions aujourd’hui réglementées comme les notaires, amène ces corporations à monter en urgence des groupes de travail exploratoires afin de ne pas devenir les dommages collatéraux d’une révolution de la propriété qu’ils n’ont pas vu venir. Il s’agit donc une fois de plus pour le secteur culturel (et plus globalement créatif) d’assumer pleinement le regard singulier qu’il doit porter sur le monde et ses échanges.

Si Michel Bauwens s’inquiétait récemment dans les colonnes du Monde des risques totalitaires qui pèsent sur cette technologie et son corollaire de désintermédiation (selon lui illusoires et libertariennes), il n’en reste pas moins qu’un nombre croissant d’acteurs (pourtant parfaitement à l‘aise avec les solutions existantes sur le Net) voient dans cette technologie une façon de reprendre le pouvoir par les réseaux dans ces nouvelles chaînes décentralisées. Pour rappel, la blockchain s’appuie sur un triple principe de distribution de jetons, un système de réputation et un modèle économique associé à cette circulation de jetons. Un tel réseau qui stimule et récompense les comportements collaboratifs de ses membres semble à priori vertueux, pourtant toutes les mobilisations potentielles de cette nouvelle technologie ne se vaudront pas.

Des initiatives se développent progressivement pour donner corps de façon concrète aux squelettes technologiques que constituent la blockchain (et l’un de ses “pendants” le plus connu hors Bitcoin, Ethereum). L’artiste anglaise Imogen Heap est, par exemple, à l’initiative d’un croisement d’expériences et de modélisations qui, de la fondation Mycelia à Kendra, ont commencé à mettre en pratique dans le secteur de la musique les organisations décentralisées et autonomes (DAO en anglais). Ces projets sont ainsi amenés à explorer à la fois les modèles économiques, la nature des interactions et les logiques applicatives qui doivent en découler, en utilisant des contrats (smart contracts) devenus complètement autonomes de ceux qui les ont programmés. Une des structures les plus actives de la communauté Blockchain, la start-up de Tel-aviv Backfeed (régulièrement représentée dans les colloques internationaux par Primavera De Filippi), travaille sur des outils (plateformes) de gestion et d’animation de communautés DAO et DCO (distributed cooperative organizations) en l’incarnant au travers d’un premier magazine distribué.

Les Français ne sont pas en reste, à l’image de la dynamique collective ancrée autour de Sophia Antipolis. Stimulée par des équipes de l’Inria (emmenée par Alexandre Monnin), un ensemble d’acteurs (Christophe Sempels autour de cette économie de la fonctionnalité et de la collaboration (EFC), la coopérative Mnémotix, ou l’Ademe/Fabrique des mobilités) explorent les façons de marier approches économique, plateformes collaboratives, web sémantique et blockchain, en cherchant à identifier d’autres usages et leur coût potentiel (particulièrement au niveau environnemental). Sans forcément adhérer à une technologie miracle destinée à renverser la table et faire disparaître banques et assurances, ils questionnent, dans une logique fertile d’interactions entre technologie, recherche et publics, des éléments induits par la blockchain (niveau réel de décentralisation vs réplication, évolution de la notion de confiance, etc.)

L’enjeu semble donc bien de remettre cet outil au service des communautés et de l’intérêt général plutôt que de les déserter au profit de groupes qui chercheront de toute façon à en tirer un profit direct, pour le meilleur ou pour le pire. Le potentiel de la technologie elle-même, les processus de coordination indirecte autant que son ADN profondément collaboratif imposent donc qu’un faisceau hybride de compétences et d’approches (publiques et privées) se mettent en mouvement rapidement autour d’objets communs pour multiplier les expérimentations et les exemples concrets de sa capacité à transformer de façon positive le futur des échanges de pair-à-pair.

L’adaptation de la blockchain à des civilisations humaines méritera donc plus qu’une comparaison simpliste aux fourmis, aux bans de poissons ou essaims d’étourneaux, qui s’organisent déjà de façon complexe sans phénomène de centralité.


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